Page:La Gerbe, nouvelles et poésies, tome 2, série 1, 1859.djvu/109

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Après tout, ajouta André avec une fureur sourde à peine contenue, il vaut mieux qu’il en soit ainsi : le bandeau est tombé de ses yeux ; elle ne m’aime plus, elle ne m’estime plus ; elle sera heureuse. Eh ! le malheur n’eût-il pas été cent fois plus grand si le hasard eût un jour appris à ma femme, un déshonneur dont la révélation a failli tuer la jeune fille ?… Ah ! oui, mon Dieu ! je vous remercie de l’avoir sauvée de mon égoïste amour. Eh quoi ! je la sacrifiais, cette noble fille d’aristocrates, je la trompais, elle l’a dit ; et j’eusse fait d’elle la femme d’un aventurier, d’un charlatan !… Dites, ne suis-je pas un monstre d’avoir osé penser cela ?…

Belle et Bonne, effrayée de l’exaltation d’André, tenait les deux mains du jeune homme sur son cœur et laissait couler les larmes qu’une douleur aussi navrante lui arrachait.

— Mon fils, dit-elle, laissez-moi vous donner ce nom ; mon fils, vous êtes injuste. Anina, votre élève, votre sœur, votre idole, doit avoir un noble cœur ; elle n’aurait pu rougir d’un époux honnête, loyal, que sa profession honore aux yeux de ceux qui en connaissent le secret.

— Ma mère ! dit, en accourant tout essoufflé, le fils de Belle et Bonne, on te cherche partout ; viens vite, ainsi que notre bon ami dont tout le monde