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souriant au présent avec cette confiance des gens heureux qui, n’ayant pas souffert, reflètent volontiers la joie qui les entoure. Peut-être leur belle humeur était-elle une des causes de la prospérité de la maison. La jeune femme, connue dans tout le quartier sous le nom de Belle et Bonne, était blonde, mignonne, blanche et rose ; elle attirait de son sourire mutin et retenait de son doux regard ceux qui, pour la première fois, entraient dans la guinguette. Quant aux habitués, ils ne songeaient jamais à en sortir. C’est qu’aussi sa lèvre ne cessait pas de sourire, ni son cœur d’avoir pitié. Les jours de bal elle tenait le comptoir, calmant le bruit, s’interposant dans les querelles, empêchant le désordre ; les autres jours de la semaine, elle adorait son mari et soignait ses petits enfants. Jamais on ne la voyait triste : heureuse, elle communiquait son bonheur.

Elle remplissait ce soir-là ses fonctions multipliées avec une grâce si parfaite, un entrain si engageant, que toute la fête s’en ressentait à l’intérieur ; le bruit arrivait de la salle de bal de plus en plus joyeux, et la folle rumeur grandissant allait augmenter encore l’animation de la rue en cet endroit.

Tout à coup un jeune homme, presque un enfant, au costume excentrique, à la figure merveilleusement belle, entra timidement dans la première