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Le Bouif errant

où il faisait semblant d’attendre un train de nuit. Il avait été expulsé, trois jours auparavant, par son ancien logeur, pour avoir refusé obstinément d’acquitter sa note de quinzaine. Le pauvre amoureux avait réservé ses dernières coupures pour solder le loyer de Mlle Coqueluche.

Une fois en sûreté sur le trottoir, Bicard se mit à réfléchir.

Il n’avait pas assez d’argent pour acheter un revolver ou une solide corde. Un seul genre de mort peu coûteux lui restait. Il tourna à droite et se dirigea vers la Seine.

Il était tard quand il arriva sur le quai. L’eau lui parut noire et peu attrayante. Il y avait un chien sur la berge ; un chien sauveteur, sans doute. C’était le comble de la malchance.

Observant la bête du coin de l’œil, le Bouif s’approcha du bord. Le chien le laissa faire.

— Il attend que je sois dans la flotte pour me retirer, maugréa Bicard. Je resterai mouillé toute la nuit et j’attraperai une pneumonie sans pouvoir décéder à mon aise. L’eau doit être froide.

Il tâta de la main pour se rendre compte. Ce contact le fit frissonner. Il goûta, afin de s’habituer. La saveur de l’eau de Seine lui donna une nausée.

— J’en ai jamais bu, fit-il avec dégoût. Ce serait mal commencer que de finir comme ça. Ce suicide serait indigne de moi.

Désespéré, il remonta sur le quai et reprit sa course errante. La nuit était tout à fait tombée. Sans but, Bicard parvint à l’entrée du Bois de