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Le Bouif errant

Qu’on accuse personne de ma mort ! Je meurs à cause de ma femme, Ugénie Bicard, qui m’a laissé dans le dénouement le plus complet, après avoir emporté l’argent de la communauté pour se livrer au Cinéma.

Je termine ma vie de mon vivant, sain d’intelligence et de corps. Je pardonne aux femmes leurs infidélités et à ma légitime son attachement dicté par l’unique désir de m’être désagréable.

J’ai assez vécu. J’ai goûté toutes les amertumes des Passions, de la Politique, du Pari mutuel et du Pouvoir. J’ai été abreuvé d’ingratitude et j’ai bu le calice jusqu’à l’hallali.

Je lègue mon souvenir à la corporation des bistros et mon nom à un cheval de course.

J’embrasse ma fille Charlotte, en la priant de penser à son père et de défendre sa mémoire chaque fois que sa mère la débinera.

Je lègue mon dernier soupir à Mlle Cécile Coqueluche, qui m’a trompé par amour. J’espère la retrouver dans un monde meilleur où je l’attendrai invisible, inconsistant et vapboreux.

Je lègue mes dernières volontés aux flics qui me ramasseront au bas de l’Arc de Triomphe, en m’excusant du dérangement et de la contrariété que cette perturbation leur causera.

Je lègue mon cœur à la France.

Alfred Bicard.

Stoïque, il évita de mettre ses autres qualités honorifiques. Les vanités d’un monde qu’il quittait le laissaient indifférent. Il plia soigneusement son

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