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Le Bouif errant

dont on est destiné à sortir ? Ceux qui sont morts ne sont jamais revenus. Cela prouve qu’ils se trouvent bien où ils sont. Pas de soucis, pas d’embêtements, pas d’impôts, pas de concierges, pas de flics. On s’évapore dans l’atmosphère ou bien l’on ressuscite dans les légumes ou dans les fleurs. À moins qu’on dorme sans se rendre compte jusqu’à la résurrection des siestes.

La question délicate, c’est qu’on ignore ce qu’on devient. J’ai idée que le Père Éternel ne l’a pas dit pour éviter l’encombrement. Si on savait de quoi il retourne, on se tasserait, peut-être, dans le Néant comme dans les couloirs du Métro.

À moins qu’on n’éprouve encore là-bas des embêtements considérables. Mais ça me laisse froid. Je ne me reproche rien dans la vie, sauf d’avoir épousé Ugénie qui a été une femme expiatoire et suffisamment révulsive pour me procurer l’état de grâce.

Je risque donc rien de me suicider et c’est encore le seul moyen pratique pour procurer à ma femme un embêtement irréparable.

Il avait monologué comme Hamlet, sans se rendre compte que des passants l’examinaient avec surprise et qu’un agent, intrigué par ses gestes, s’était mis à faire les cent pas de façon à ne pas le perdre de vue.

Mais Bicard s’était levé et, toujours gesticulant, se dirigeait vers l’Arc de Triomphe.

Une idée insistante venait de germer dans son cerveau. Il trouverait au sommet du monument une mort glorieuse. Il avait lu, autrefois, dans une histoire de sa fille, que les Romains traitaient les