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Le Bouif errant

Bicard se sentit réconforté. Cette voix correspondait-elle à une intuition secrète ? Ou bien la lettre de Kiki avait-elle rendu à Bicard le goût de vivre ? L’ex-roi de Carinthie fut plein d’espoir.

Sur le boulevard, près de son banc, un camelot commençait à dresser une table et un tapis sur lesquels il disposait des verres et des gobelets pleins d’eau. Un produit à détacher, qu’il lançait.

Instantanément le tapis fit naître une idée à Bicard.

Sournoisement, il s’approcha, se mêla aux badauds, et, profitant de l’inattention du camelot, il tira l’étoffe, d’un coup sec.

— Épatant ! cria le camelot.

Pour la première fois, Bicard venait de réussir le truc de Bussolini. Rien n’avait bougé sur la table.

— Si vous êtes un manipulateur, on pourrait peut-être s’associer, fit le camelot, émerveillé.

Bicard se sentit très fier de lui, la prophétie de la pauvresse était déjà en train de s’accomplir. Tant qu’il avait raté le truc, le sort lui avait été contraire. Peut-être allait-il maintenant connaître des jours meilleurs ?

Mais tandis qu’il recevait les compliments de l’assistance, le Bouif éprouva, tout à coup, un saisissement.

Le Docteur Cagliari venait de se mêler à la foule.

C’était bien la sinistre silhouette, le chapeau, la longue lévite, le sourire perfide et cauteleux de l’Orientaliste.