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Le Bouif errant

la rue de Miromesnil, qui venait de faire, dans la pièce, cette entrée, fort peu triomphale. Mais il avait perdu cette fois la gaieté bruyante qui avait mis en émoi la paisible boutique du coiffeur. Il semblait inquiet. Fort surpris de ne pas rencontrer chez elle la jolie fille qu’il venait voir, il demeurait devant la concierge sans comprendre, regardant avec stupeur le désordre des objets. Il avait l’air si abasourdi que Mme Soupir eut pitié de lui.

— Monsieur Alfred, dit-elle, un homme doit toujours être un homme ! Soyez courageux monsieur Bicard !

— Naturellement, cette précaution oratoire eut un résultat désastreux. Bicard pâlit, puis rougit, lança autour de lui un regard de noyé cherchant une planche de salut et parvint à articuler à grand’peine :

— Kiki ?…

Fort heureusement, Mme Soupir comprenait les onomatopées de ses locataires.

— Monsieur Alfred, il faut vous faire une raison. Une jeunesse ne sait pas toujours ce qu’elle veut. À votre âge, il vous faudrait une femme sérieuse, ayant déjà connu la vie, une personne ayant eu des z’hauts et des bas, des vicissitudes et des z’évolutions, des alternatives et…

— Fermez ! interrompit Bicard. Ne me racontez pas votre histoire et dites-moi seulement où est la gosse ?

— Débinée, fit laconiquement la concierge.

— Mais pourquoi ? Expliquez-moi…

Le visage de Mme Soupir avait repris sa majesté professionnelle et ce fut avec toute l’impor-