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Le Bouif errant

Il s’agitait sur son lit de camp. Il rêvait qu’il était attaché à un poteau de torture, et livré à de hideuses furies qui le chatouillaient avec des plumes de paon, en lui murmurant des mots d’amour.

Le chatouillement devenait si sensible qu’il finit par se réveiller.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? grogna-t-il.

Une mouche semblait se promener sur son visage. Le Bouif s’imagina l’écraser et s’administra une formidable gifle.

— Bonjour, voisin !… fit une voix. Est-ce vous le nouveau pensionnaire ?

— Hein ! dit Bicard. Qui a causé ?

— Moi, voisin. Le titulaire du cachot 177, du couloir 122, de la 170e galerie. Je vous ai entendu ronfler et j’ai ouvert mon moellon de communication, pour vous dire un petit bonjour. Comment allez-vous, mon voisin ?

Le Bouif s’aperçut alors qu’une pierre énorme de sa prison avait glissé, découvrant une ouverture irrégulière et le visage réjoui d’un vieux monsieur, à cheveux blancs, qui lui souriait aimablement.

— Qui êtes-vous ? demanda Bicard, ahuri.

— Un prisonnier, le doyen d’âge, le président des pensionnaires de cette maison de retraite. Toutes les prisons d’État ont toujours un vieux prisonnier. Les opérettes et l’Histoire le certifient avec raison. J’habite ici depuis soixante-trois ans. C’est un bail.

— j’espère bien ne pas y demeurer si longtemps, affirma Bicard.

— Peuh !… Mon cher voisin, on ne sait jamais. Ordinairement, ceux qui entrent ici espèrent qu’on