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Le Bouif errant

Un coup de timbre de la dame caissière rappela vivement au subalterne la politesse et le tact professionnels.

Le client, d’ailleurs, ne semblait nullement mécontent.

— Je ne regarde pas à la dépense aujourd’hui, fit-il, en clignant de l’œil mystérieusement à un gros monsieur tassé sur la banquette, où les patients attendaient leur tour. Donnez-moi ce que vous avez de mieux comme parfum odorigène. J’ai des raisons pour exhaler des odeurs suaves.

Il parlait avec une telle autorité que le garçon s’empressa d’aller choisir, dans la vitrine, une lotion de luxe contenue dans un flacon indéfloré.

Le client, débarrassé de son peignoir et de sa serviette, contemplait avec complaisance, dans une des glaces, son visage rasé de frais et passait l’envers de sa main droite sur ses joues pour en éprouver le velouté.

— À la bonne heure, fit-il. Vous avez la main légère. Je n’ai connu simplement dans ma vie qu’un merlan capable de raser les gens aussi près. Il est vrai que c’était un merlan politique, entraîné à cet exercice de corps par la fréquentation de ses victimes, qui étaient tous sénateurs inamovibles. Vous avez peut-être entendu parler de lui. Il se nommait Pyrogène Tocksin et avait sa boutique rue de Tournon.

Sans remarquer le geste de dénégation du garçon, il continua :

— C’était un homme supérieurement bien élevé, qui connaissait les usages élégants encore mieux que la baronne Taf, qui a inventé la politesse et