« Ça-Va » ne remarqua point ce nuage de mélancolie. Le jeune homme s’applaudissait d’avoir trouvé un moyen de conserver les subsides du Comité révolutionnaire carinthien, en ne montant point sur le trône, et, de se ménager également le Parti Conservateur, en ne refusant point la couronne. En laissant Bicard régner à sa place, il demeurait dans l’ombre, se payait le plaisir de mystifier les politiciens de son pays, et conservait leur argent sans rien abdiquer de ses droits. Sous son apparence frivole, le petit prince « Ça-Va » était un profond calculateur.
Cependant le Bouif avait revêtu machinalement le veston de gala de Ladislas et s’admirait dans la glace.
— Es-tu prêt ? demanda le jeune homme.
— Non, implora le monarque en herbe. Je suis encore indécis et perplesque. Ça m’intimide d’entrer dans une dynastie dans laquelle je ne connais personne. Et qu’est-ce que je vais dire à mon peuple ?
— As-tu oublié ton bagout ? Ne connais-tu point les procédés à employer pour monter le coup aux imbéciles ?
— J’ai été ministre et bistro, fit le Bouif, un peu vexé.
— Alors, ton éducation politique est complète. Viens…
— Pardon, objecta Bicard, non sans raison, pour les boniments en français, je ne crains personne. Mais en carinthien ?…
— Je te servirai d’interprète. D’ailleurs, les peuples applaudissent généralement leurs chefs avant