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Le Bouif errant

Conseil de la Couronne attendait au milieu des objets d’art nègre et des fétiches de feutre.

Ce n’était plus le personnage encombrant du Bahr-el-Gazal et le fêtard autoritaire et tapageur. Il symbolisait le Devoir. Il était le Colonel général de la Garde attendant le lever du Roy.

Et il demeurait aussi impassible dans cette garconnière parisienne que dans la grande salle du Palais de Selakzastyr, devant les skipetars, au port d’armes.

Un ronflement sonore l’arracha tout à coup à son immobilité. Le bruit s’était produit dans la pièce. Surpris, Bossouzof lança autour de lui un regard sévère. Ronfler dans les appartements royaux était une irrévérence.

— Qui se permet ? fit-il sévèrement. Silence.

Il frappa du plat de sa large main la grande serviette de maroquin armorié qu’il tenait serrée contre sa poitrine, comme une cuirasse.

Mais le geste n’intimida point le dormeur inconnu, qui riposta par une modulation de bugle.

Chose étrange, cette musique nasale paraissait émaner de la table d’harmonie d’un grand piano à queue à moitié recouvert par les tentures des fenêtres arrachées pour servir de couvertures.

Bossouzof assujettit ses lunettes quadrangulaires afin de se rendre mieux compte. Une exclamation de surprise lui échappa. Deux pieds, chaussés, l’un d’une pantoufle verte, l’autre d’une pantoufle rouge, surgissaient hors de l’instrument sonore. Le ministre plénipotentiaire les reconnut immédiatement. C’étaient les deux chaussures du prince La-