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ACHILLE.

Je ne dois qu’à vous seul. En vain devant les yeux
On me met du public l’intérêt spécieux.
Comme si Sparte était la Grèce tout entière !
Les lieux où Ménélas a reçu la lumière,
Ceux encore où l’on voit ces frères obéis,
Ont eu part à l’outrage, et non point mon pays.
Cependant j’accourus pour eux à cette guerre ;
Pour eux je vins chercher la mort en cette terre,
Je n’avais nul sujet de haïr les Troyens :
Pâris m’a-t-il ravi mes amours ni mes biens ?
Agamemnon l’a fait ; c’est Argos, c’est Mycène,
Qui devraient ressentir les effets de ma haine.
Laissons-les : leur monarque est encor trop heureux
Que je n’apporte ici nul obstacle à ses vœux.
A l’entour de ces murs je vous laisse combattre ;
Les dieux les ont bâtis ; nous voulons les abattre !

PHOENIX.

Ces mêmes dieux les ont à périr condamnés.
Et puis, cette raison qu’à tort vous me donnez,
S’il faut vous en parler sans que l’on dissimule,
Dans le cœur des humains jette peu de scrupule.
Enfin, quand ces raisons ne vous pourraient toucher,
Songez au long repos qu’on peut vous reprocher.
Lorsque chacun de nous à l’envi se signale,
Que les soldats ont même une ardeur sans égale,
Achille est dans sa tente, et donne à Briséis
Les moments qu’il devrait donner à son pays.

ACHILLE.

Phoenix, je vous arrête ; on sait quel est Achille.
Qu’il aime, et qu’en sa tente il demeure tranquille,