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Que ne lui donnait-il une humeur moins farouche ? »
Voilà ce que l’on dit d’une commune bouche ;
Et de tous les malheurs prêts à tomber sur nous,
C’est votre gouverneur qu’on accuse, et non vous.

ACHILLE.

Je n’ai point oublié vos soins ni votre zèle
J’en conserve dans l’âme un souvenir fidèle ;
Mais ne prétendez pas que, contre mon honneur,
L’amour que j’ai pour vous me fléchisse le cœur.
Si vous en attendiez de pareils témoignages,
Vous deviez m’enseigner à souffrir les outrages.
L’avez-vous fait ?

PHOENIX.

Seigneur, j’ai fait ce que j’ai dû ;
Et vous n’avez que trop à mes vœux répondu.
J’approuve la fierté ; mais enfin, les injures
Se peuvent réparer : elles ont leurs mesures.

ACHILLE.

Un cœur comme le mien ne leur en peut donner.

PHOENIX.

Il le doit : la grandeur consiste à pardonner ;
Jamais ce sentiment n’a de gloire flétrie.
Je ne vous voulais point alléguer la patrie,
Me flattant d’un crédit que je devrais avoir,
Et voulant sur votre âme essayer mon pouvoir ;
Je dédaignais aussi les adresses d’Ulysse,
Honteux qu’il nous fallût employer l’artifice.
Sans ce secours les Grecs vous parlent par ma voix
Nous venons, disent-ils, implorer vos exploits,
Seigneur ; ils nous sont dus, et nos propres exemples
Ont accru la valeur qui vous promet des temples.