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LA VIE

abattre aux malheurs : avoir ſoin du lendemain ; car il vaut mieux enrichir ſes ennemis par ſa mort, que d’eſtre importun à ſes amis pendant ſon vivant ; ſur tout n’eſtre point envieux du bonheur ni de la vertu d’autruy ; d’autant que c’eſt ſe faire du mal à ſoy-meſme. Ennus touché de ces avertiſſemens, & de la bonté d’Eſope, comme d’un trait qui luy auroit penetré le cœur, mourut peu de temps aprés. Pour revenir au défi de Nectenabo, Eſope choiſit des Aiglons, & les fit instruire (choſe dificile à croire :) il les fit, dis-je, inſtruire à porter en l’air chacun un panier, dans lequel eſtoit un jeune enfant. Le Printemps venu, il s’en alla en Égypte avec tout cet équipage ; non ſans tenir en grande admiration & en attente de ſon deſſein les peuples chez qui il paſſoit. Nectenabo, qui, ſur le bruit de ſa mort, avoit envoyé l’enigme, fut extrêmement ſurpris de ſon arrivée. Il ne s’y attendoit pas, & ne ſe fuſt jamais engagé dans un tel défi contre Lycerus, s’il euſt cru Eſope vivant. Il luy demanda s’il avoit amené les Architectes & le Répondant. Eſope dit que le Répondant eſtoit luy-meſme, & qu’il feroit voir les Architectes