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LA VIE

l’autre d’Eſclavage, dont les commencemens eſtoient plus aiſez, mais la ſuite laborieuſe. C’eſtoit conſeiller aſſez intelligiblement aux Samiens de défendre leur liberté. Ils renvoyerent l’Ambaſſadeur de Creſus avec peu de ſatisfaction. Creſus ſe mit en eſtat de les attaquer. L’Ambaſſadeur luy dit que tant qu’ils auroient Eſope avec eux, il auroit peine à les reduire à ſes volontez, veu la confiance qu’ils avoient au bon ſens du Perſonnage. Creſus le leur envoya demander, avec promeſſe de leur laiſſer la liberté s’ils le luy livroient. Les Principaux de la Ville trouverent ces conditions avatageuſes, & ne crûrent pas que leur repos leur coûtaſt trop cher quand ils l’acheteroient aux dépens d’Eſope. Le Phrygien leur fit changer de ſentiment, en leur contant que les Loups & les Brebis ayant fait un traité de paix, celles-cy donnerent leurs Chiens pour ôtages. Quand elles n’eurent plus de défenſeurs, les Loups les étranglerent avec moins de peine qu’ils ne faiſoient. Cet Apologue fit ſon effet : les Samiens prirent une déliberation toute contraire à celle qu’ils avoient priſe. Eſope voulut toutefois aller vers Creſus, & dit qu’il les ſer-