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LA VIE

maſt le Phrygien, & que l’on luy miſt les fers aux pieds, de crainte qu’il n’allaſt publier cette avanture. Helas ! s’écria Eſope, eſt-ce ainſi que les Philoſophes s’acquittent de leurs promeſſes ? Mais faites ce que vous voudrez, il faudra que vous m’affranchiſſiez malgré vous. Sa prédiction ſe trouva vraye. Il arriva un prodige qui mit fort en peine les Samiens. Un Aigle enleva l’Anneau public (c’eſtoit apparemment quelque Sceau que l’on appoſoit aux déliberations du Conſeil) & le fit tomber au ſein d’un Eſclave. Le Philoſophe fut consulté là-deſſus, & comme eſtant Philoſophe, & comme eſtant un des premiers de la Republique. Il demanda du temps, & eut recours à ſon Oracle ordinaire ; c’eſtoit Eſope. Celuy-cy luy conſeilla de le produire en public ; parce que s’il rencontroit bien, l’honneur en ſeroit toûjours à ſon Maiſtre, ſinon il n’y auroit que l’Eſclave de blaſmé. Xantus approuva la choſe, & le fit monter à la Tribune aux Harangues. Dés qu’on le vid, chacun s’éclata de rire, perſonne ne s’imagina qu’il pût rien partir de raiſonnable d’un homme fait de cette maniere. Eſope leur dit qu’il ne faloit pas conſiderer la forme du vaſe,