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D’ESOPE.


ves, à la reſerve d’un Grammairien, d’un Chantre, & d’Eſope, leſquels il alla expoſer en vente à Samos. Avant que de les mener ſur la place, il fit habiller les deux premiers le plus proprement qu’il pût, comme chacun farde ſa marchandiſe. Eſope au contraire ne fut veſtu que d’un ſac, & placé entre ſes deux Compagnons, afin de leur donner luſtre. Quelques acheteurs ſe preſenterent ; entre-autres un Philoſophe appellé Xantus. Il demanda au Grammairien & au Chantre ce qu’ils ſçavoient faire : Tout, reprirent-ils. Cela fit rire le Phrygien, on peut s’imaginer de quel air. Planude rapporte qu’il s’en falut peu qu’on ne priſt la fuite, tant il fit une effroyable grimace. Le Marchand fit ſon Chantre mille oboles, ſon Grammairien trois mille ; & en cas que l’on achetât l’un des deux, il devoit donner Eſope par deſſus le marché. La cherté du Grammairien & du Chantre dégoûta Xantus. Mais pour ne pas retourner chez ſoy ſans avoir fait quelque empleté, ſes diſciples luy conſeillerent d’acheter ce petit bout d’homme, que avoit ry de ſi bonne grace : on en feroit un épouventail : il divertiroit les gens par ſa mine. Xantus ſe