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LA VIE D’ESOPE.


lement le Pere des Dieux, c’eſt auſſi celuy des bons Poëtes. Quant à Eſope, il me ſemble qu’on le devoit mettre au nombre des Sages, dont la Grece s’eſt tant vantée ; luy qui enſeignoit la veritable Sageſſe, & qui l’enſeignoit avec bien plus d’art que ceux qui en donnent des Définitions & des Regles. On a veritablement recueilly les vies de ces deux grands Hommes ; mais la pluſpart des Sçavans les tiennent toutes deux fabuleuſes ; particulierement celle que Planude a écrite. Pour moy, je n’ay pas voulu m’engager dans cette Critique. Comme Planude vivoit dans un ſiecle où la memoire des choſes arrivées à Eſope ne devoit pas eſtre encore éteinte, j’ay crû qu’il ſçavoit par tradition ce qu’il a laiſſé. Dans cette croyance je l’ay ſuivy, ſans retrancher de ce qu’il a dit d’Eſope que ce qui m’a ſemblé trop puerile, ou qui s’écartoit en quelque façon de la bien-ſeance.

Eſope eſtoit Phrygien, d’un Bourg appellé Amorium. Il naquit vers la cinquante-ſeptiéme Olympiade, quelque deux cens ans aprés la fondation de Rome. On ne ſçauroit dire s’il eut ſujet de remercier la Nature, ou bien de ſe plaindre d’elle : car