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LIVRE II.

Cet animal eſt triſte, & la crainte le ronge.
Les gens de naturel peureux
Sont, diſoit-il, bien malheureux.
Ils ne ſçauroient manger morceau qui leur profite.
Jamais un plaiſir pur, toujours aſſauts divers.
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M’empeſche de dormir, ſinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque ſage cervelle.
Et la peur ſe corrige-t-elle ?
Je croy meſme qu’en bonne foy
Les hommes ont peur comme moy.
Ainſi raiſonnoit noſtre Lievre,
Et cependant faiſoit le guet.
Il eſtoit douteux, inquiet :