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PREFACE.

inſpiration. Elle luy eſtoit encore venuë une de ces Feſtes. Si bien qu’en ſongeant aux choſes que le Ciel pouvoit exiger de luy, il s’eſtoit aviſé que la Muſique & la Poëſie ont tant de rapport, que poſſible eſtoit-ce de la derniere qu’il s’agiſſoit : Il n’y a point de bonne Poëſie ſans Harmonie ; mais il n’y en a point non plus ſans fiction ; & Socrate ne ſçavoit que dire la verité. Enfin il avoit trouvé un temperament. C’eſtoit de choiſir des Fables qui continſſent quelque choſe de veritable, telles que ſont celles d’Eſope. Il employa donc à les mettre en Vers les derniers momens de ſa vie.

Socrate n’eſt pas le ſeul qui ait conſideré comme ſœurs la Poëſie & nos Fables. Phedre a témoigné qu’il eſtoit de ce ſentiment ; & par l’excellence de ſon Ouvrage nous pouvons juger de celuy du Prince des Philoſophes. Aprés Phedre, Avienus a traité le meſme ſujet. Enfin les Modernes les ont ſuivis. Nous en avons des exemples non ſeulement chez les Eſtrangers ; mais chez nous. Il eſt vray que lorſque nos gens y ont travaillé, la Langue eſtoit ſi differente de ce qu’elle eſt, qu’on ne les doit conſiderer que comme Eſtrangers.