Page:La Fontaine - Fables choisies, Barbin 1692, tome 1.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
PREFACE.

que l’on ne puiſſe ſouvent les faire marcher de compagnie.

Aprés tout, je n’ay entrepris la choſe que ſur l’exemple, je ne veux pas dire des Anciens, qui ne tire point à conſequence pour moy ; mais ſur celuy des Modernes. C’eſt de tout temps, & chez tous les peuples qui font profeſſion de Poëſie, que le Parnaſſe a jugé cecy de ſon Appanage. À peine les Fables qu’on attribuë à Eſope virent le jour, que Socrate trouva à propos de les habiller des livrées des Muſes. Ce que Platon en rapporte eſt si agreable, que je ne puis m’empeſcher d’en faire un des ornemens de cette Preface. Il dit que Socrate eſtant condamné au dernier ſupplice, l’on remit l’execution de l’Arreſt, à cause de certaines Feſtes. Cebes l’alla voir le jour de ſa mort. Socrate luy dit que les Dieux l’avoient averti pluſieurs fois pendant ſon ſommeil, qu’il devoit s’appliquer à la Muſique avant qu’il mouruſt. Il n’avoit pas entendu d’abord ce que ce ſonge ſignifioit : car comme la Muſique ne rend pas l’homme meilleur, à quoy bon s’y attacher ? Il faloit qu’il y euſt du myſtere là deſſous ; d’autant plus que les Dieux ne ſe laſſoient point de luy envoyer la meſme