Page:La Fontaine - Fables, Mame 1897.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Qui de leur chef sont si puissants,
Que chacun d’eux pourrait soudoyer une armée.
Le chiaoux, homme de sens,
Lui dit : Je sais par renommée
Ce que chaque électeur peut de monde fournir ;
Et cela me fait souvenir
D’une aventure étrange, et qui pourtant est vraie.
J’étais en un lieu sûr, lorsque je vis passer
Les cent têtes d’une hydre au travers d’une haie.
Mon sang commence à se glacer ;
Et je crois qu’à moins on s’effraie.
Je n’en eus toutefois que la peur sans le mal ;
Jamais le corps de l’animal
Ne put venir vers moi ni trouver d’ouverture.
Je rêvais à cette aventure,
Quand un autre dragon, qui n’avait qu’un seul chef
Et bien plus qu’une queue, à passer se présente.
Me voilà saisi derechef
D’étonnement et d’épouvante.
Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi.
Rien ne les empêcha, l’un fit chemin à l’autre.
Je soutiens qu’il en est ainsi
De votre empereur et du nôtre.