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Maudit censeur ! te tairas-tu ?
Ne saurais-je achever mon conte ?
C’est un dessein très dangereux
Que d’entreprendre de te plaire.

Les délicats sont malheureux :
Rien ne saurait les satisfaire.

II

CONSEIL TENU PAR LES RATS

Un chat, nommé Rodilardus[1],
Faisait de rats telle déconfiture
Que l’on n’en voyait presque plus ;
Tant il en avait mis dedans la sépulture.
Le peu qu’il en restait, n’osant quitter son trou,
Ne trouvait à manger que le quart de son soûl ;
Et Rodilard passait, chez la gent misérable,
Non pour un chat, mais pour un diable.
Or, un jour qu’au haut et au loin
Le galant alla chercher femme,
Pendant tout le sabbat qu’il fit avec sa dame,
Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.
Dès l’abord, leur doyen, personne fort prudente,
Opina qu’il fallait, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu’ainsi, quand il irait en guerre,
De sa marche avertis ils s’enfuiraient sous terre ;
Qu’il n’y savait que ce moyen.

  1. Rodilardus, nom latin forgé par Rabelais, signifiant Ronge-lard.