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Les cent têtes d’une hydre au travers d’une haie.
Mon sang commence à se glacer ;
Et je crois qu’à moins on s’effraie.
Je n’en eus toutefois que la peur sans le mal :
Jamais le corps de l’animal
Ne put venir vers moi ni trouver d’ouverture.
Je rêvais à cette aventure,
Quand un autre dragon, qui n’avait qu’un seul chef,
Et bien plus d’une queue à passer se présente.
Me voilà saisi derechef
D’étonnement et d’épouvante.
Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi :
Rien ne les empêcha ; l’un fit chemin à l’autre.
Je soutiens qu’il en est ainsi
De votre empereur et du nôtre.

XIII

LES VOLEURS ET L’ÂNE

Pour un âne enlevé deux voleurs se battaient :
L’un voulait le garder, l’autre le voulait vendre.
Tandis que coups de poing trottaient,
Et que nos champions songeaient à se défendre,
Arrive un troisième larron,
Qui saisit maître aliboron.

L’âne, c’est quelquefois une pauvre province :
Les voleurs sont tel et tel prince,
Comme le Transylvain, le Turc et le Hongrois.
Au lieu de deux, j’en ai rencontré trois :
Il est assez de cette marchandise.
De nul d’eux n’est souvent la province conquise :