Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’homme se porte en tout avecque violence,
À l’exemple des animaux,
Aveugle jusqu’au point de mettre entre les maux
Les conseils de la tempérance.


XXVIII

LE JUGE ARBITRE, L’HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE

Trois saints, également jaloux de leur salut,
Portés d’un même esprit, tendaient à même but.
Ils s’y prirent tous trois par des routes diverses :
Tous chemins vont à Rome ; ainsi nos concurrents
Crurent pouvoir choisir des sentiers différents.
L’un, touché des soucis, des longueurs, des traverses,
Qu’en apanage on voit aux procès attachés,
S’offrit de les juger sans récompense aucune,
Peu soigneux d’établir ici-bas sa fortune.
Depuis qu’il est des lois, l’homme, pour ses péchés,
Se condamne à plaider la moitié de sa vie :
La moitié ! les trois quarts, et bien souvent le tout,
Le conciliateur crut qu’il viendrait à bout
De guérir cette folle et détestable envie.
Le second de nos saints choisit les hôpitaux.
Je le loue ; et le soin de soulager les maux
Est une charité que je préfère aux autres.
Les malades d’alors, étant tels que les nôtres,
Donnaient de l’exercice au pauvre hospitalier ;
Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse :
« Il a pour tels et tels un soin particulier,
« Ce sont ses amis ; il nous laisse, »
Ces plaintes n’étaient rien au prix de l’embarras
Où se trouva réduit l’appointeur de débats :