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Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs
Apprendraient volontiers comment on vous appelle.
Le cheval, qui n’était dépourvu de cervelle,
Leur dit : Lisez mon nom, vous le pouvez, messieurs ;
Mon cordonnier l’a mis autour de ma semelle.
Le renard s’excusa sur son peu de savoir.
Mes parents, reprit-il, ne m’ont point fait instruire ;
Ils sont pauvres et n’ont qu’un trou pour tout avoir ;
Ceux du loup, gros messieurs, l’ont fait apprendre à lire.
Le loup, par ce discours flatté
S’approcha. Mais sa vanité
Lui coûta quatre dents : le cheval lui desserre[1]
Un coup ; et haut le pied. Voilà mon loup par terre ;
Mal en point, sanglant et gâté[2].
Frère, dit le renard, ceci nous justifie
Ce que m’ont dit des gens d’esprit :
Cet animal vous a sur la mâchoire écrit
Que de tout inconnu le sage se méfie.


XVIII

LE RENARD ET LES POULETS D’INDE

Contre les assauts d’un renard
Un arbre à des dindons servait de citadelle.
Le perfide ayant fait tout le tour du rempart,
Et vu chacun en sentinelle,
S’écria : Quoi ! ces gens se moqueront de moi !
Eux seuls seront exempts de la commune loi !
Non, par tous les dieux ! non. Il accomplit son dire.
La lune, alors luisant, semblait, contre le sire,

  1. Décoche.
  2. Abîmé.