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Qui fait le plus beau de leurs droits,
Non les douceurs de la vengeance.
Prince, c’est votre avis. On sait que le courroux
S’éteint en votre cœur sitôt qu’on l’y voit naître.
Achille, qui du sien ne put se rendre maître,
Fut par là moins héros que vous.
Ce titre n’appartient qu’à ceux d’entre les hommes
Qui, comme en l’âge d’or, font cent biens ici-bas.
Peu de grands sont nés tels en cet âge où nous sommes :
L’univers leur sait gré du mal qu’ils ne font pas.
Loin que vous suiviez ces exemples,
Mille actes généreux vous promettent des temples.
Apollon, citoyen de ces augustes lieux,
Prétend y célébrer votre nom sur sa lyre.
Je sais qu’on vous attend dans le palais des dieux :
Un siècle de séjour doit ici vous suffire,
Hymen veut séjourner tout un siècle chez vous.
Puissent ses plaisirs les plus doux
Vous composer des destinées
Par ce temps à peine bornées !
Et la princesse et vous n’en méritez pas moins.
J’en prends ses charmes pour témoins ;
Pour témoins j’en prends les merveilles
Par qui le ciel pour vous prodigue en ses présents,
De qualités qui n’ont qu’en vous seul leurs pareilles
Voulut orner vos jeunes ans.
Bourbon de son esprit ses grâces assaisonne :
Le ciel joignit en sa personne
Ce qui sait se faire estimer
À ce qui sait se faire aimer :
Il ne m’appartient pas d’étaler votre joie :
Je me tais donc, et vais rimer
Ce que fit un oiseau de proie.