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Mais insensiblement, dans le tour que j’ai pris,
Mon dessein se rencontre ; et, si je ne m’abuse,
Je pourrais tout gâter par de plus longs récits :
Le jeune prince alors se jouerait de ma muse
Comme le chat de la souris.


V

LE VIEUX CHAT ET LA JEUNE SOURIS

Une jeune souris, de peu d’expérience,
Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis.
Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?
Affamerais-je, à votre avis,
L’hôte, l’hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
A présent je suis maigre : attendez quelque temps :
Réservez ce repas à messieurs vos enfants.
Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L’autre lui dit : Tu t’es trompée :
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner ! cela n’arrive guères.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en, tout de ce pas,
Haranguer les sœurs filandières[1] :
Mes enfants trouveront assez d’autres repas.
Il tint parole. Et pour ma fable
Voici le sens moral qui peut y convenir :

  1. Les Parques.