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Le prince voulut voir ces richesses immenses,
Il ne trouva partout que de médiocrité,
Louange du désert et de la pauvreté :
C’étaient là ses magnificences.
Son fait, dit-on, consiste en des pierres de prix :
Un grand coffre en est plein, fermé de dix serrures.
Lui-même ouvrit ce coffre, et rendit bien surpris
Tous les machineurs d’impostures.
Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux,
L’habit d’un gardeur de troupeaux,
Petit chapeau, jupon, panetière, houlette,
Et, je pense, aussi sa musette.
Doux trésors, ce dit-il, chers gages, qui jamais
N’attirâtes sur vous l’envie et le mensonge,
Je vous reprends : sortons de ces riches palais
Comme l’on sortirait d’un songe !
Sire, pardonnez-moi cette exclamation :
J’avais prévu ma chute en montant sur le faîte.
Je m’y suis trop complu : mais qui n’a dans la tête
Un petit grain d’ambition ?


XI

LES POISSONS ET LE BERGER QUI JOUE DE LA FLÛTE

Tircis, qui pour la seule Annette
Faisait résonner les accords
D’une vois et d’une musette
Capables de toucher les morts,
Chantait un jour le long des bords
D’une onde arrosant des prairies
Dont Zéphyre habitait les campagnes fleuries.
Annette cependant à la ligne pêchait :
Mais nul poisson ne s’approchait :