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Que la plante après tout n’a point :
Cependant la plante respire.
Mais que répondra-t-on à ce que je vais dire ?

Deux rats cherchaient leur vie ; ils trouvèrent un œuf.
Le dîner suffisait à gens de cette espèce :
Il n’était pas besoin qu’ils trouvassent un bœuf.
Pleins d’appétit et d’allégresse,
Ils allaient de leur œuf manger chacun sa part,
Quand un quidam parut : c’était maître renard ;
Rencontre incommode et fâcheuse :
Car comment sauver l’œuf ? Le bien empaqueter ;
Puis des pieds de devant ensemble le porter,
Ou le rouler, ou le traîner :
C’était chose impossible autant que hasardeuse.
Nécessité l’ingénieuse
Leur fournit une invention.
Comme ils pouvaient gagner leur habitation,
L’écornifleur[1] étant à demi-quart de lieue,
L’un se mit sur le dos, prit l’œuf entre ses bras ;
Puis, malgré quelques heurts et quelques mauvais pas,
L’autre le traîna par la queue.
Qu’on m’aille soutenir, après un tel récit,
Que les bêtes n’ont point d’esprit !

Pour moi, si j’en étais le maître,
Je leur en donnerais aussi bien qu’aux enfants.
Ceux-ci pensent-ils pas dès leurs plus jeunes ans ?
Quelqu’un peut donc penser ne se pouvant connaître.
Par un exemple tout égal,
J’attribuerais à l’animal,
Non point une raison selon notre manière,
Mais beaucoup plus aussi qu’un aveugle ressort :

  1. Le parasite.