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Le bramin fâché s’écria :
Ô vent, donc, puisque vent y a,
Viens dans les bras de notre belle !
Il accourait ; un mont en chemin l’arrêta.
L’éteuf[1] passant à celui-là.
Il le renvoie, et dit : J’aurais une querelle
Avec le rat ; et l’offenser
Ce serait être fou, lui qui peut me percer.
Au mot de rat, la demoiselle
Ouvrit l’oreille : il fut l’époux.
Un rat ! un rat : c’est de ces coups
Qu’Amour fait ; témoin telle et telle.
Mais ceci soit dit entre nous.

On tient toujours du lieu dont on vient. Cette fable
Prouve assez bien ce point ; mais, à la voir de près,
Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits :
Car quel époux n’est point au Soleil préférable
En s’y prenant ainsi ? Dirai-je qu’un géant
Est moins fort qu’une puce ? Elle le mord pourtant.
Le rat devait aussi renvoyer, pour bien faire,
La belle au chat, le chat au chien,
Le chien au loup. Par le moyen
De cet argument circulaire,
Pilpay, jusqu’au Soleil eût enfin remonté ;
Le Soleil eût joui de la jeune beauté.
Revenons, s’il se peut, à la métempsycose :
Le sorcier du bramin fit sans doute une chose
Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté.
Je prends droit là-dessus contre le bramin même ;
Car il faut, selon son système,
Que l’homme, la souris, le ver, enfin chacun

  1. La balle.