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Laisse-moi fuir ; cesse de rire
De l’indocilité qui me fait envoler
Lorsque d’un ton si doux on s’en vient m’appeler.
Si tu voyais mettre à la broche
Tous les jours autant de faucons
Que j’y vois mettre de chapons,
Tu ne me ferais pas un semblable reproche.


XXII

LE CHAT ET LE RAT

Quatre animaux divers, le chat grippe-fromage,
Triste oiseau le hibou, ronge-maille le rat,
Dame belette au long corsage,
Toutes gens d’esprit scélérat,
Hantaient le tronc pourri d’un pin vieux et sauvage.
Tant y furent qu’un soir à l’entour de ce pin
L’homme tendit ses rets. Le chat, de grand matin,
Sort pour aller chercher sa proie.
Les derniers traits de l’ombre empêchent qu’il ne voie
Le filet : il y tombe, en danger de mourir ;
Et mon chat de crier ; et le rat d’accourir :
L’un plein de désespoir, et l’autre plein de joie ;
Il voyait dans les lacs son mortel ennemi.
Le pauvre chat dit : Cher ami,
Les marques de ta bienveillance
Sont communes en mon endroit ;
Viens m’aider à sortir du piège où l’ignorance
M’a fait tomber. C’est à bon droit
Que seul entre les tiens, par amour singulière,
Je t’ai toujours choyé, t’aimant comme mes yeux.
Je n’en ai point regret, et j’en rends grâce aux dieux.
J’allais leur faire ma prière,