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LIVRE HUITIÈME


I

LA MORT ET LE MOURANT

La Mort ne surprend point le sage,
Il est toujours prêt à partir,
S’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps :
Qu’on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n’en est point qu’il ne comprenne
Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine,
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez-vous par la grandeur ;
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ;
La Mort ravit tout sans pudeur ;
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse.
Il n’est rien de moins ignoré ;
Et, puisqu’il faut que je le die,
Rien où l’on soit moins préparé.