Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le berger dit : C’est vers cette montagne.
En lui payant de tribut un mouton
Par chaque mois, j’erre dans la campagne
Comme il me plaît ; et je suis en repos.
Dans le moment qu’ils tenaient ces propos
Le lion sort, et vient d’un pas agile.
Le fanfaron aussitôt d’esquiver ;
Ô Jupiter, montre-moi quelque asile,
S’écria-t-il, qui me puisse sauver !

La vraie épreuve de courage
N’est que dans le danger que l’on touche du doigt :
Tel le cherchait, dit-il, qui, changeant de langage,
S’enfuit aussitôt qu’il le voit.


III

PHÉBUS ET BORÉE

Borée et le Soleil virent un voyageur
Qui s’était muni par bonheur
Contre le mauvais temps. On entrait dans l’automne,
Quand la précaution aux voyageurs est bonne :
Il pleut, le soleil luit ; et l’écharpe d’Iris
Rend ceux qui sortent avertis
Qu’en ces mois le manteau leur est fort nécessaire :
Les Latins les nommaient douteux, pour cette affaire.
Notre homme s’était donc à la pluie attendu :
Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte.
Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu
À tous les accidents ; mais il n’a pas prévu
Que je saurai souffler de sorte
Qu’il n’est bouton qui tienne : il faudra, si je veux,
Que le manteau s’en aille au diable.