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Petit serpent à tête folle :
Plutôt que d’emporter de moi
Seulement le quart d’une obole,
Tu te romprais toutes les dents.
Je ne crains que celles du temps.

Ceci s’adresse à vous, esprits du dernier ordre,
Qui, n’étant bons à rien, cherchez surtout à mordre.
Vous vous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ?
Ils sont pour vous d’airain, d’acier, de diamant.


XVII

LE LIÈVRE ET LA PERDRIX

Il ne se faut jamais moquer des misérables :
Car qui peut s’assurer d’être toujours heureux ?
Le sage Ésope dans ses fables
Nous en donne un exemple ou deux.
Celui qu’en ces vers je propose,
Et les siens, ce sont même chose.

Le lièvre et la perdrix, concitoyens d’un champ,
Vivaient dans un état, ce semble assez tranquille,
Quand une meute s’approchant
Oblige le premier à chercher asile :
Il s’enfuit dans son fort, met les chiens en défaut,
Sans même en excepter Brifaut.
Enfin il se trahit lui-même
Par les esprits sortant de son corps échauffé ;
Miraut, sur leur odeur ayant philosophé,
Conclut que c’est son lièvre, et d’une ardeur extrême
Il le pousse ; et Rustaut, qui n’a jamais menti,