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À souper chair et poisson.

La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur ;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.

XII

TRIBUT ENVOYÉ PAR LES ANIMAUX À ALEXANDRE

Une fable avait cours parmi l’antiquité ;
Et la raison ne m’en est pas connue.
Que le lecteur en tire une moralité ;
Voici la fable toute nue.

La renommée ayant dit en cent lieux
Qu’un fils de Jupiter, un certain Alexandre,
Ne voulant rien laisser de libre sous les cieux,
Commandait que, sans plus attendre,
Tout peuple à ses pieds s’allât rendre,
Quadrupèdes, humains, éléphants, vermisseaux,
Les républiques des oiseaux ;
La déesse aux cent bouches, dis-je,
Ayant mis partout la terreur
Et publiant l’édit du nouvel empereur,
Les animaux, et toute espèce lige[1]
De son seul appétit crurent que cette fois
Il fallait subir d’autres lois.
On s’assemble au désert : tous quittent leur tanière.
Après divers avis, on résout, on conclut
D’envoyer hommage et tribut.
Pour l’hommage et pour la manière,
Le singe en fut chargé : on lui mit par écrit

  1. Sujette, dépendante.