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La partie ainsi faite, il vient avec ses gens.
Çà, déjeûnons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres ?
La fille du logis, qu’on vous voie ; approchez :
Quand la marierons-nous ? quand aurons-nous des gendres ?
Bonhomme, c’est ce coup qu’il faut, vous m’entendez,
Qu’il faut fouiller à l’escarcelle.
Disant ces mots, il fait connaissance avec elle,
Auprès de lui la fait asseoir,
Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir ;
Toutes sottises dont la belle
Se défend avec grand respect :
Tant qu’au père à la fin cela devient suspect.
Cependant on fricasse, on se rue en cuisine. —
De quand sont vos jambons ? ils ont fort bonne mine. —
Monsieur, ils sont à vous. Vraiment, dit le seigneur,
Je les reçois, et de bon cœur.
Il déjeûne très bien ; aussi fait sa famille,
Chiens, chevaux, et valets, tous gens bien endentés :
Il commande chez l’hôte, y prend des libertés,
Boit son vin, caresse sa fille.
L’embarras des chasseurs succède au déjeuné.
Chacun s’anime et se prépare :
Les trompes et les cors font un tel tintamarre,
Que le bonhomme est étonné.
Le pis fut que l’on mit en piteux équipage
Le pauvre potager : adieu planches, carreaux ;
Adieu chicorée et poireaux ;
Adieu de quoi mettre au potage.
Le lièvre était gîté dessous un maître chou.
On le quête ; on le lance : il s’enfuit par un trou,
Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
Que l’on fit à la pauvre haie
Par ordre du seigneur ; car il eût été mal