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Alors je jouirai du fruit de mes travaux :
Je n’irai, par monts ni par vaux,
M’exposer au vent, à la pluie ;
Je vivrai sans mélancolie :
Le soin que j’aurai pris de soins m’exemptera.
Je vous enseignerai par là
Ce que c’est qu’une fausse ou véritable gloire.
Adieu ; je perds le temps : laissez-moi travailler ;
Ni mon grenier ni mon armoire,
Ne se remplit à babiller.


IV

LE JARDINIER ET SON SEIGNEUR

Un amateur du jardinage,
Demi-bourgeois, demi-manant,
Possédait en certain village
Un jardin assez propre, et le clos attenant.
Il avait de plant vif fermé cette étendue ;
Là croissaient à plaisir l’oseille et la laitue,
De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet,
Peu de jasmin d’Espagne, et force serpolet.
Cette félicité par un lièvre troublée
Fit qu’au seigneur du bourg notre homme se plaignit.
Ce maudit animal vient prendre sa goulée
Soir et matin, dit-il, et des pièges se rit ;
Les pierres, les bâtons, y perdent leur crédit :
Il est sorcier, je crois. Sorcier ! je l’en défie,
Répartit le seigneur : fût-il diable, Miraut,
En dépit de ses tours, l’attrapera bientôt.
Je vous en déferai, bonhomme, sur ma vie. —
Et quand ? Et dès demain, sans tarder plus longtemps. —