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L’esprit de simplicité, de candeur, de naïveté, qui lui plaisait tant dans ces écrivains, caractérisa bientôt ses ouvrages, et le caractérisait lui-même. Jamais auteur ne s’est mieux peint dans ses livres. Doux, ingénu, naturel, sincère, crédule, facile, timide, sans ambition, sans fiel, prenant tout en bonne part, il était, dit un homme d’esprit, aussi simple que les héros de ses fables. C’était un véritable enfant, mais un enfant sans malice. Il parlait peu, et parlait mal, à moins qu’il ne se trouvât avec des amis intimes, ou que la conversation ne roulât sur quelque sujet qui pût échauffer son génie.

La duchesse de Bouillon, l’une des nièces du cardinal Mazarin, exilée à Château-Thierry, avait connu la Fontaine et lui avait même, dit-on, fait faire ses premiers contes. Rappelée à Paris, elle y amena le poëte : la Fontaine avait un de ses parents auprès de Fouquet. La maison du surintendant lui fut ouverte, et il en obtint une pension pour laquelle il faisait à chaque quartier une quittance poétique. Après la disgrâce de son bienfaiteur, dont le poëte reconnaissant déplora les malheurs dans une élégie touchante et peut-être la meilleure que nous ayons en notre langue, et dans une ode moins connue adressée à Louis XIV, dont les vers sont moins beaux, mais plus hardis, il entra en qualité de gentilhomme ordinaire chez la princesse Henriette d’Angleterre.

La mort lui ayant enlevé cette princesse, il trouva de généreux protecteurs dans M. le Prince, dans le prince de Conti, le duc de Vendôme et le duc de Bourgogne ; et des protectrices dans la duchesse de Bouillon, de Mazarin, et dans l’ingénieuse madame de la Sablière, qui le retira chez elle, et prit soin de son existence.

En effet, son inertie et son imprévoyance étaient telles que, sans les soins qu’elle prit de lui, il se serait trouvé en proie à tous les besoins. Madame de la Sablière, lui rendit à cet égard les plus grands services en l’accueillant