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Thaïs

Au retour de Phœdrie on en sçaura l’histoire.

Pythie

C’est ce que j’oubliois, tant j’ay bonne memoire :
À peine vous sortiez qu’il m’est venu trouver.

Thaïs

Je le croyais aux champs.

Pythie

Je le croyais aux champs. Il en vient d’arriver.
De long-temps (m’a-t-il dit) je connois ton adresse :
Tu sçais la passion que j’ay pour ta Maistresse ;
De m’en priver deux jours hier au soir je promis,
Et creus qu’allant trouver aux champs quelques amis,
Ils pourroient de ce temps adoucir l’amertume ;
Mais à nul autre objet mon œil ne s’accoustume,
De nul autre entretien mon esprit n’est charmé.
Je pourrois vivre un siecle avec elle enfermé ;
Vivre sans elle un jour m’est un trop grand supplice,
Et je ne suis pas seur que cecy s’accomplisse
Sans que vous y perdiez la fleur de vos amis.
Si de ce long exil un jour ne m’est remis,
Je ne donnerois pas un denier de ma vie.
Pour le souffrir je croy que tu m’es trop amie :
Fay valoir cét ennuy qui cause mon retour ;
Dy que Thrason pour elle a beaucoup moins d’amour,
Qu’il prescrit trop de loix et se rend incommode.
Je t’abrege cecy, pour l’estendre à ta mode.
Voilà ce qu’il m’a dit, et tiens qu’il a raison ;
Plustost que de me voir caresser par Thrason,
J’aymerois cent fois mieux que l’autre m’eust battuë.
Le Soldat est trop vain, sa presence me tuë :
Il n’a qu’une chanson dont il nous estourdit,
Et, hors de ses exploits, c’est un homme interdit ;
Puis, qu’on soit toute à luy : ma foy l’on s’y dispose.

Thaïs

Que veux-tu ? jusqu’icy ma sœur en est la cause.