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Thaïs

Vous voyez mon amour en voyant ma foiblesse ;
Je ne vous puis quitter que les larmes aux yeux :
Soyez tousjours, Phœdrie, en la garde des Dieux.



Scène 3

Phœdrie, Parmenon.

Parmenon

Est-il dans l’Univers innocence pareille ?
Qui la condamneroit en luy prestant l’oreille ?
Que Thaïs a sujet de se plaindre de moy !
C’est un chef-d’œuvre exquis de constance et de foy.

Phœdrie

N’as-tu pas veu ses yeux laisser tomber des larmes ?
Pour guerir mon soupçon qu’ils emploioient de charmes !

Parmenon

En matiere de femme, on ne croit point aux pleurs ;
Un serpent (je le gage) est caché sous ces fleurs.

Phœdrie

Non, non, pour ce coup-cy je dois estre sans crainte :
Ce qu’en obtient Thrason marque trop de contrainte ;
Peut-estre le voit-elle afin de l’espouser ;
En ce cas, c’est moy-seul que je dois accuser.
Que n’ay-je decouvert le fond de ma pensée !
Dans un plus haut dessein je l’eusse interessée,
Elle auroit bien tost sceu m’asseurer de sa foy,
Bannir tous ses amans, ne vivre que pour moy,
Puis que sans cet espoir tu vois qu’on me prefere.
Les deux jours expirez, je propose l’affaire ;
Il faut ouvrir son cœur, et ne point tant gauchir.