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Offrez-les à d’autres objets ;

Abandonnez nos rivages :

Quel plaisir aurez-vous parmi des cœurs sauvages ? [350]

THARSIS.

Je vous verrai.

DAPHNE.

Fuyez cette triste douceur.

Il vaut mieux qu’une prompte absence

Rende le calme à votre cœur,

Que de vous voir enfin guéri par ma rigueur,

Ma haine, ou mon indifférence. [355]

THARSIS.

Ô Ciel ! Lui dois-je ajouter foi ?

Quoi ! Ne pouvoir m’aimer ! me haïr ! me le dire !

Amour, tyran des cœurs, depuis que sous ta loi

On gémit, on pleure, on soupire,

Fut-il jamais amant plus malheureux que moi ? [360]

Que je sache au moins, inhumaine,

Ce qu’a Tharsis en lui de si digne de haine ?

DAPHNE.

Son amour ; c’est assez : je le dis à regret.

Vous avez dans mon cœur quelque ennemi secret

Qui met un voile sur ces charmes [365]

À qui d’autres auraient déjà rendu les armes.

Enfin quittez nos bords, Seigneur, vous ferez mieux ;

Qui ne peut être aimé doit s’éloigner des lieux

Où sans cesse il peut voir le sujet de ses peines.

Faut-il livrer son cœur à d’éternelles gênes [370]

Pour le plaisir de ses yeux ?

Je vous laisse, et me tais ; ma fuite et mon silence

Vous seront des tourments plus doux.

THARSIS.

Princesse, demeurez : je trouve votre absence

Plus cruelle encor que vous. [375]


Scène IV

TELAMON.

Ceci vous trouble et vous étonne.