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Parmenon

Tout cela peut passer, je n’en dis rien pour l’heure,
Il faut voir à quel point vous voulez arriver.

Thaïs

Là, tandis que leurs soins estoient de m’élever,
On leur fit un present d’une fille inconnuë
Qui dans Rhodes estoit pour esclave tenuë.
Bien qu’elle fust fort jeune, et n’eût lors que quinze ans,
Elle nous dit son nom, celuy de ses parens,
Qu’on l’appelloit Pamphile, et qu’elle estoit d’Attique,
Que ses parens avoient encor un fils unique,
Qu’il se nommoit Chromer, que c’estoit leur espoir ;
C’est tout ce que l’on pût à cet âge en sçavoir.
Chacun jugeoit assez qu’elle estoit de naissance ;
Son entretien naïf et remply d’innoncence,
Mille charmes divers, sa beauté, sa douceur,
Me la firent cherir à l’egal d’une sœur.
Dés qu’elle fut chez nous, on eut soin de l’instruire ;
Pour moy, comme j’estois d’un âge à me conduire,
À peine on eut appris qu’on me vouloit pourvoir,
Qu’un jeune homme d’Attique, estant venu nous voir
Me recherche, m’obtient, m’amene en cette ville,
Où, lors que je croyois nostre Hymen plus tranquille,
Il mourut, et laissant tout mon bien engagé,
De mille soins fascheux mon cœur se voit chargé.
Ils accrurent le dueil de ce court Hymenée ;
Et comme on voit aux maux une suite enchaînée,
Le sort, pour m’accabler de cent coups differens,
Causa presque aussi-tost la mort de mes parens ;
Un mal contagieux les eut privé de vie
Avant que de ce mal je pusse estre avertie.
Leur bien jusques alors assez mal ménagé,
D’un oncle que j’avois ne fut point negligé ;
Avec nos creanciers il en fait le partage,
Et sceut de mon absence avoir cet avantage.
Je l’appris sans dessein de l’aller contester :
L’ordre que dans ces lieux je devois apporter