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CONTES ET NOUVELLES.

Il recouvra son argent, son bagage ;
Et son cheval, et tout son équipage ;
Et, grace à Dieu et Monsieur S. Julien,
Eut une nuit qui ne luy cousta rien[1].



VI. — LA SERVANTE JUSTIFIÉE.


Nouvelle tirée des Contes de la Reine de Navarre[2].


Bocace n’est le seul qui me fournit ;
Je vas par fois en une autre boutique.
Il est bien vray que ce divin esprit
Plus que pas un me donne de pratique ;
Mais, comme il faut manger de plus d’un pain[3],
Je puise encore en un vieux magazin :
Vieux, des plus vieux, où Nouvelles Nouvelles
Sont jusqu’à cent, bien déduites et belles
Pour la pluspart, et de trés-bonne main.
Pour cette fois, la Reine de Navarre
D’un « c'estoit moy » naïf autant que rare,
Entretiendra dans ces Vers le Lecteur.
Voicy le fait, quiconque en soit l’Auteur :
J’y mets du mien selon les occurrences ;
C’est ma coutume, et, sans telles licences
Je quitterois la charge de conteur.
Un homme donc avoit belle servante ;
Il la rendit au jeu d’Amour sçavante.
Elle estoit fille à bien armer un lit,

  1. Édition de 1668 :
    Eut un soupé qui ne luy cousta rien.
  2. Heptameron, journée V, nouvelle V.
  3. Éditions de 1666 et de 1668 :
    Mais, comme il faut gouster de plus d’un pain.