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DEUXIESME PARTIE.
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Que quand le Roy, qui faisoit lit à part
(Comme tous font), vouloit avec sa femme
Aller coucher, seul il se presentoit,
Presque en chemise, et sur son dos n'avoit
Qu'une simarre ; à la porte il frappoit
Tout doucement ; aussi-tost une Dame
Ouvroit sans bruit ; et le Roy luy mettoit
Entre les mains la clarté qu’il portoit ;
Clarté n’ayant grand’lueur ny grand’flâme.
D’abord la Dame éteignoit en sortant
Cette clarté ; c’estoit le plus souvent
Une lanterne, ou de simples bougies.
Chaque Royaume a ses ceremonies.
Le Muletier remarqua celle-cy,
Ne manqua pas de s'ajuster ainsi ;
Se presenta comme c'estoit l’usage,
S’estant caché quelque peu le visage.
La Dame ouvrit dormant plus d'à demi.
Nul cas n’estoit à craindre en l’avanture,
Fors que le Roy ne vinst pareillement.
Mais ce jour-là, s’estant heureusement
Mis à chasser, force estoit que nature
Pendant la nuit cherchast quelque repos.
Le Muletier, frais, gaillard, et dispos,
Et parfumé, se coucha sans rien dire.
Un autre point, outre ce qu’avons dit,
C’est qu’Agiluf, s’il avoit en l’esprit
Quelque chagrin, soit touchant son Empire,
Ou sa famille, ou pour quelque autre cas,
Ne sonnoit mot en prenant ses ébats.
A tout cela Teudelingue estoit faite.
Nostre amoureux fournit plus d’une traite :
Un Muletier à ce jeu vaut trois Rois,
Dont Teudelingue entra par plusieurs fois
En pensement, et creut que la colere
Rendoit le Prince, outre son ordinaire,
Plein de transport, et qu’il n’y songeoit pas.
En ses presens le Ciel est toûjours juste ;