Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
DEUXIESME PARTIE.

Pour s’en tenir aux amours de village,
Colette donc (ainsi l’on l’appelloit)
En mariage à l’envy demandée,
Rejettoit l’un, de l’autre ne vouloit,
Et n’avoit rien que Pinuce en l’idée.
Longs pourparlers avecque son Amant
N’estoient permis ; tout leur faisoit obstacle,
Les rendez-vous et le soulagement
Ne se pouvoient à moins que d’un miracle,
Cela ne fit qu’irriter leurs esprits.
Ne gesnez point, je vous en donne avis,
Tant vos enfans, ô vous peres et meres ;
Tant vos moitiez, vous Epoux et maris ;
C’est où l’amour fait le mieux ses affaires.
Pinucio, certain soir qu’il faisoit
Un temps fort brun, s’en vient en compagnie
D’un sien amy, dans cette Hostellerie,
Demander giste. On luy dit qu’il venoit
Un peu trop tard. Monsieur, ajousta l’Hoste,
Vous sçavez bien comme on est à l’étroit
Dans ce logis ; tout est plein jusqu’au toit :
Mieux vous vaudroit passer outre, sans faute :
Ce giste n’est pour gens de vostre estat.
N’avez-vous point encor quelque grabat,
Reprit l’Amant, quelque coin de reserve ?
L’Hoste repart : Il ne nous reste plus
Que nostre chambre, où deux lits sont tendus,
Et de ces lits il n’en est qu’un qui serve
Aux survenans ; l’autre nous l’occupons.
Si vous voulez coucher de compagnie,
Vous et Monsieur, nous vous hebergerons.
Pinuce dit : Volontiers. Je vous prie
Que l’on nous serve à manger au plûtost.
Leur repas fait, on les conduit en haut.
Pinucio, sur l’avis de Colette,
Marque de l’œil comme la chambre est faite.
Chacun couché, pour la Belle on mettoit
Un lit de camp : celuy de l’Hoste estoit