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PREMIERE PARTIE.

Qu’arrive-t-il ? l’un de ces amoureux
Tant bien exploite autour de la Donzelle,
Qu'il en nâquit une fille si belle,
Qu'ils s'en vantoient tous deux également.
Le temps venu que cet objet charmant
Pût pratiquer les leçons de sa mere,
Chacun des deux en voulut estre amant;
Plus n’en voulut l’un ny l’autre estre pere.
Frere, dit l’un, ah ! vous ne sçauriez faire
Que cet enfant ne soit vous tout craché.
Parbieu, dit l’autre, il est à vous, compere :
Je prends sur moy le hazard du peché.



VIII. — AUTRE CONTE TIRÉ
D’ATHÉNÉE [1].


À son souper un glouton
Commande que l’on appreste
Pour luy seul un Esturgeon.
Sans en laisser que la teste,
Il soupe ; il creve, on y court :
On luy donne maints clisteres.
On luy dit, pour faire court,
Qu’il mette ordre à ses affaires.
Mes amis, dit le goulu,
M’y voila tout resolu ;
Et puis qu’il faut que le meure,
Sans faire tant de façon,
Qu’on m’apporte tout à l’heure
Le reste de mon poisson.

  1. Le mot autre s’explique par la suppression qui avoit été faite de l’avant-dernier conte. Dans l’édition de 1685 le titre est : Le Glouton.