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LES FILLES DE MINÉE.

Helas ! cette bonté luy devint inutile ;
Il mourut du regret de cet hymen fatal :
Aux plus infortunez la tombe sert d’azile.
Il prit pour heritiere, en finissaut ses jours,
Iole, qui moüilla de pleurs son Mausolée.
Que sert-il d’être plaint quand l’ame est envolée ?
Le Satrape eût mieux fait d’oublier ses amours.

La jeune Iris à peine achevoit cette histoire,
Et ses sœurs avoüoient qu’un chemin à la gloire,
C’est l’amour ; on fait tout pour se voir estimé :
Est-il quelque chemin plus court pour être aymé ?
Quel charme de s’oüir louer par une bouche
Qui, même sans s’ouvrir, nous enchante et nous touche !
Ainsi disoient ces Sœurs. Un orage soudain
Jette un secret remors dans leur profane sein.
Bacchus entre, et sa cour, confus et long cortege :
Où sont, dit-il, ces sœurs à la main sacrilege ?
Que Pallas les défende, et vienne en leur faveur
Opposer son Ægide à ma juste fureur :
Rien ne m’empêchera de punir leur offence.
Voyez : et qu’on se rie aprés de ma puissance !
Il n’eut pas dit, qu’on vid trois monstres au plancher,
Aislez, noirs et velus, en un coin s’attacher.
On cherche les trois sœurs ; on n’en void nulle trace.
Leurs métiers sont brisez ; on éleve en leur place
Une Chapelle au Dieu, pere du vray nectar.
Pallas a beau se plaindre, elle a beau prendre part
Au destin de ces sœurs par elle protegées ;
Quand quelque Dieu, voyant ses bontez negligées,
Nous fait sentir son ire, un autre n’y peut rien :
L’Olimpe s’entretient en paix par ce moyen.
Profitons, s’il se peut, d’un si fameux exemple,
Chommons : c’est faire assez qu’aller de Temple en Temple
Rendre à chaque Immortel les vœux qui luy sont dus :
Les jours donnez aux Dieux ne sont jamais perdus.
 

FIN DU TOME II.