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PHILEMON ET BAUCIS.

Ah ! si... Mais autre-part j’ay porté mes presens.
Celebrons seulement cette metamorphose.
De fideles témoins m’ayant conté la chose,
Clio me conseilla de l’étendre en ces vers,
Qui pourroit quelque jour l’apprendre à l’Univers.
Quelque jour on verra chez les Races futures,
Sous l’appuy d’un grand nom passer ces avantures.
Vendôme, consentez au los que j’en attens ;
Faites-moy triompher de l’Envie et du Temps :
Enchaînez ces démons, que sur nous ils n’attentent,
Ennemis des Heros et de ceux qui les chantent.
Je voudrois pourtant dire en un stile assez haut
Qu’ayant mille vertus vous n’avez nul défaut.
Toutes les celebrer seroit œuvre infinie ;
L’entreprise demande un plus vaste génie :
Car quel mérite enfin ne vous fait estimer ?
Sans parler de celuy qui force à vous aimer.
Vous joignez à ces dons l’amour des beaux ouvrages,
Vous y joignez un goût plus seur que nos suffrages ;
Don du Ciel, qui peut seul tenir lieu des presens
Que nous font à regret le travail et les ans.
Peu de gens élevez, peu d’autres encor même,
Font voir par ces faveurs que Jupiter les aime.
Si quelque enfant des Dieux les possede, c’est vous ;
Je l’ose dans ces vers soutenir devant tous.
Clio, sur son giron, à l’exemple d’Homere,
Vient de les retoucher, attentive à vous plaire :
On dit qu’elle et ses Sœurs, par l’ordre d’Apollon,
Transportent dans Anet tout le sacré Vallon ;
Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border ses rivages !
Pussent-ils tout d’un coup élever leurs sourcis,
Comme on vid autrefois Philémon et Baucis !