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POEME DU QUINQUINA.

Eût aussi sans ce bois languy maintes journées :
J’ay pour garands deux demi-Dieux.
Arbitres de nos jours, prolongez les années
De ce couple vaillant et né pour les hazards,
De ces chers nourrissons de Minerve et de Mars.
Puisse mon ouvrage leur plaire !
Je toucheray du front les bords du firmament[1].
Et toy que le Quina guerit si promptement,
Colbert, je ne dois point te taire ;
Je laisse tes travaux, ta prudence et le choix
D’un Prince que le Ciel prendra pour exemplaire
Quand il voudra former de grands et sages Rois ;
D’autres que moy diront ton zele et ta conduite,
Monument eternel aux Ministres suivans :
Ce sujet est trop vaste, et ma Muse est reduite
A dire les faveurs que tu fais aux sçavans.
Un jour j’entreprendray cette digne matiere,
Car pour fournir encore une telle carriere
Il faut reprendre haleine ; aussi bien aujourd’huy
Dans nos chants les plus courts on trouve un long ennuy.
J’ajoûterai sans plus que le Quina dispense
De ce regime exact dont on suivoit la loy ;
Sa chaleur contre nous agit faute d’employ :
Non qu’il faille trop loin porter cette indulgence.
Si le Quina servoit à nourrir nos defaux,
Je tiendrois un tel bien pour le plus grand des maux.
Les Muses m’ont appris que l’enfance du monde,
Simple, sans passions, en desirs infeconde,
Vivant de peu, sans luxe, évitoit les douleurs ;
Nous n’avions pas en nous la source des malheurs
Qui nous font aujourd’huy la guerre :
Le Ciel n’exigeoit lors nuls tributs de la terre ;
L’homme ignoroit les Dieux, qu’il n’apprend qu’au besoin :
De nous les enseigner Pandore prit le soin ;
Sa boëte se trouva de poisons trop remplie.
Pour dispenser les biens et les maux de la vie,

  1. Sublimi feriam sidera vertice. (Horat.,Od., liv. 1, od. 1.)